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10 juin 2012 7 10 /06 /juin /2012 03:21

Ci-dessous une chronique qui a été publiée dans 01Netinformatique

 

  Un dimanche de premier tour d’élections présidentielles est généralement calme et social en expectative de la soirée électorale (les citoyens se retrouvent souvent dans des cafés ou échangent à la sortie de leur bureau de vote).  Mais la version 2012 du premier tour des élections présidentielles avait un bien autre goût, plus numérique. Les internautes se sont retrouvés sur Twitter, à la quête d’informations inédites. Un certain esprit révolutionnaire les habitait. La plupart cherchait à faire bouger les frontières d’une loi peu adaptée au monde numérique qui exigent qu’aucun résultat ne soit diffusé avant la fermeture des bureaux de vote.

Ici #RadioLondres en direct d’outre-mer et de Genève

La résistance s’est organisée toute la journée autour du hashtag Twitter #RadioLondres. Elle a permis de contourner, par des informations codées, l’obligation de ne pas diffuser de résultats avant 20h. Dès la mi-journée, les départements d’outre-mer ont tweetté l’avancée de François Hollande. Puis, c’est le site de RTBF (Radio télévision belge francophone), rapidement saturé, qui a été relayé sur Twitter. Les Anonymous ont ensuite donné sur ce même réseau social Hollande à 29% et Sarkozy à 26%. Pour finir, des journaux étrangers, comme la Tribune de Genève,  sont rentrés en piste. Bref, de nombreux chiffres se sont propagés sur Twitter au fil des heures.

L’ère du numérique s’est donc manifestée par la résistance des internautes sur Twitter face à la loi de non diffusion des résultats avant 20h. Sur #RadioLondres, les internautes se sont mobilisés, codant les messages pour contourner la loi. On y retrouvait humour, engouement, volonté de propagation des idées. Bref, tout ce qui caractéristique ce monde numérique : liberté d’expression et système parallèle pour contourner un ordre établi inadapté. Dans ce nouvel univers,  la course après le temps et le côté ludique et communautaire priment.

Une résistance transposable à d’autres systèmes

Il est facile d’imaginer que ce phénomène n’est que le préliminaire de mouvements futurs de résistances vis-à-vis d’autres systèmes : entreprises, marques, organisations, personnes. Il illustre à la fois un changement de comportement individuel mais aussi un nouveau système d’action collective autour d’un centre d’intérêt commun. Le phénomène d’adhésion est typique des réseaux sociaux. Les internautes sont attirés par les groupes qui rassemblent le plus d’individus. Le nombre important d’utilisateurs de #RadioLondres a très vite attiré d’autres internautes jusqu’à former une communauté visant explicitement à contourner la loi, à rechercher des scoops pour être au même niveau d’information que les journalistes, les sondeurs ou les partis politiques eux-mêmes.

La télévision patiente dans la salle d’attente

De fait, les internautes sur Twitter ont eu la primauté des premières estimations. Ils sont dans le temps numérique, rapide, quasi immédiat. L’information qui circule est perçue comme crédible, en raison de la puissance des foules (cf le fameux ouvrage « The power of crowd »), de la co-production de résultats qui s’est mise en place, de l’enjeu en termes de reconnaissance et de renommée pour tous ceux qui sont à l’origine du processus de diffusion. Ces derniers sont facilement identifiables et retrouvables.

Parallèlement à ce processus, la télévision est apparue comme un media de débats visuels, d’analyse, mais plus de premier fournisseur de l’information. Les journalistes de TF1 ou de France Télévisions ont dû patienter jusqu’à 20h00 pour diffuser les résultats qui circulaient déjà. En attendant, on a eu droit à la course poursuite de journalistes en motos  pour s’approcher des voitures des deux supposés vainqueurs, ainsi qu’à de très longue description de l’atmosphère au sein des différentes QG des partis politiques. Pendant ce temps, sur  Twitter, les internautes commentaient intensément entre eux les résultats déjà diffusés sur le réseau social, avec humour et émotion.

Des mouvements communautaires qui feront date

Pourtant, lorsqu’on réfléchit quelques secondes, quel est le réel intérêt d’avoir une information quelques heures avant l’officielle ? L’effet attendu ne s’est pas produit : la diffusion de résultats avant la fermeture des bureaux de vote devait entraîner en réaction une ruée d’électeurs aux urnes, ce qui n’a pas été le cas.  C’est donc bien le nouveau phénomène communautaire qui est intéressant, plutôt que ses conséquences sur l’élection elle-même.

Les réseaux sociaux, en particulier Twitter, sont donc aussi les grands gagnants de cette élection présidentielle. Les comportements sur #RadioLondres constituent de nouveaux éléments rentrant dans le paysage. Ils révèlent des fonctionnements communautaires  non traditionnels  qui probablement vont se développer dans de nombreux domaines. Et, il est indispensable de s’y intéresser, de comprendre les motivations et la diffusion des informations dans ces mouvements réactifs. Il ne reste plus qu’à s’y atteler…

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